..Toi qui entres ici, abandonne tout espoir de trouver un contenu sérieux. Ici, on dérise, on batifole, on plaisante, on ricane.

jeudi 15 mars 2012

Des signes qui ne trompent pas…



Ce matin, j’ai accompli ma pénitence trimestrielle : je me suis rendu chez mon médecin afin qu’il renouvelle le traitement pour mon « problème » cardiaque. C’est toujours une épreuve.  Passer des heures d’attente  au milieu d’une majorité d’horribles vieux qui fixent un point du mur ou pire, quand ils tombent sur une connaissance, mènent à haute voix des conversations sans intérêt n’est pas mon idée d’une matinée réussie. J’apporte toujours un livre. Je suis bien le seul.

Ce matin donc, je me rendis à la consultation dès neuf heures moins vingt alors que celle-ci ne commence qu’à neuf heures dans l’espoir déçu, nous le verrons, de ne pas trop y passer de temps. La salle d’attente était pleine comme un œuf : plus un siège. Après avoir dit bonjour à la cantonade, je me dirigeai donc vers l’embrasure d’une fenêtre qui me semblait devoir constituer un siège de fortune acceptable. A peine installé, une jeune femme demanda à sa fille de se lever pour me laisser sa place. Un rien étonné de cette touchante sollicitude, je pris cependant le siège.

Ce fait infime m’amena à repenser à un autre du même acabit. Quelques jours auparavant, allant à la poste chercher les deux colis du papier peint que j’avais commandé sur le net, un brave anglais se précipita pour m’aider à les porter alors que je m’apprêtais à faire deux voyages, vu leur encombrement.  J’en fus un rien décontenancé.

J’eus plus d’une heure et demie pour rapprocher puis méditer sur le sens de ces deux non-événements : j’en tirai la conclusion qu’aux yeux des  braves gens, j’appartenais  désormais à la catégorie pitoyable des petits vieux à ménager : incapables de tenir longtemps sur leurs jambes ou de porter de pesants colis.

J’en suis à me demander si  un affaissement de la bonne éducation ne serait pas à souhaiter  afin de me permettre  de croire pour quelque temps encore à mon appartenance au monde des valides et non à celui des vieillards  cacochymes.

mercredi 14 mars 2012

Ça se croise, ça se décroise, et alors ?



Les sondages se suivent et ne se ressemblent pas. Certains vont jusqu’à mettre en doute leur sincérité. On se demande pourquoi ils n'ont pas commencé à tricher avant. Alors, c’est qui qu’il est en tête ? Hein ? Sarko un point devant ? Hollande avec  deux points ?  C’est très agaçant. On voudrait savoir ! C’est capital !

Sur la Radio de Service Comique (RSC®) j’ai même entendu ce matin M. Hamon faire du porte à porte à Trappes afin de mobiliser l’électorat des cités, divers et déjà acquis (et pour cause !) à la gôche. On se demande pourquoi il ne va pas faire son guignol avec les journaleux à Neuilly, vu que là il y a plus de boulot. Il leur disait que Sarkozy montait ! C’est vous dire l’angoisse ! On frise la panique !  150 000 militants socialistes devraient  imiter le bon Benoît  et frapper à la porte des gens pour qu’ils se mobilisent en faveur du candidat normal. J’attends la visite du mien avec impatience…

En fait, tout ça, c’est du pipeau. On est dans le flou artistique puisque la marge d’erreur des sondages portant sur 1000 personnes est  de 2 %. Ce qui compte, c’est le deuxième tour et là l’écart est beaucoup plus grand. Plus du tout dans la marge d’erreur. On ne peut pas se concentrer sur le round final en considérant le premier comme acquis comme le fit pour notre plus grand plaisir M. Jospin mais c’est cependant ce qu’il faudrait faire et que tente M. Sarkozy en draguant les Le Penistes. Sans grand succès.

Le gros problème, c’est le report des voix à droite. Après tout, si on ajoute les intentions de vote de MM. Hollande et Mélenchon à celles de Mme Joly, on obtient autour de 40 %. Il y aurait donc 60 % d’électeurs à ne pas se reconnaître dans la gôche. Par quel miracle obtient-on une quasi-inversion de ces proportions au deuxième tour ?  Mais par l’abstention, pardi ! Beaucoup d’électeurs Le Penistes et Bayrouistes déclareraient vouloir s’abstenir en cas de  duel Sarkozy/Hollande.  Si tout ça ne change pas, on se retrouverait donc avec un président normal élu « triomphalement » par peu de monde.

Il y a une autre donnée importante : plus de 35 % des électeurs se disent encore incertains de leur choix.  Rien n’est donc joué et tout le monde le sait. L’actuel président peut virer en tête ou pas, qu’importe ?

Ce qui comptera au final sera le rejet. Ce sera le Tout Sauf  Sarko (TSS®) ou le Tout Sauf Hollande (TSH®) qui décidera. Quel que soit celui de ces rejets qui gagnera, ça ne sera pas de la tarte pour le vainqueur.

mardi 13 mars 2012

Parole de candidat



-    Maintenant M. le président, c’est Jacques, retraité depuis peu dans le département de la Manche, qui va vous poser sa question.
-    Bien !
-    Bonsoir M. le président, voilà, je voudrais vous parler du problème des cabines de douche qui fuient.
-    Je vous écoute, Jacques. C’est bien Jacques ?
-    Oui, Jacques, M. le président. Voilà : il y a quelque temps, j’ai acheté une cabine de douche chez Bao, à Vire.
-    Ah, Vire ! L’andouille !
-    Oui, M. Le président ! Vire, l’andouille, un peu comme « Casse-toi pauv’ con ! »
-    Vous avez de l’humour, Jacques !
-    Merci, M. le président. Donc j’ai acheté une cabine de douche et depuis je n’ai que des ennuis avec : d’abord, j’ai cassé une paroi en verre, puis j’ai fini par la monter, faire les joints de silicone et quand j’ai voulu la tester, elle fuyait comme un évadé fiscal ! J’ai donc démonté la cabine, gratté les joints, ce qui n’est pas de la tarte…
-    Je sais Jacques, le joint de silicone est plus facile à poser qu’à enlever, un peu comme les réformes socialistes…
-    Enfin, j’y suis arrivé. J’ai ensuite remonté la cabine, refait les joints, retesté et ça coulait toujours. Moins, mais quand même… J’ai rectifié certains joints, ça s’est encore amélioré mais ça goutte quand même un peu…
-    Bien, Jacques, nous avons compris votre problème mais le temps tourne, pourriez-vous poser votre question à M. Sarkozy ?
-    Eh bien voilà, M. le président, je voudrais savoir, au cas où vous seriez élu, ce que vous comptez faire pour tous les français dont la cabine de douche fuit malgré tous les efforts qu’ils font pour y remédier.
-    Eh bien, Jacques, je vais vous le dire.  Dès le lendemain de mon élection, si les Français me font confiance, je demanderai qu’un texte de loi soit présenté au parlement  interdisant la vente des cabines nécessitant des joints de silicone.
-    C’est bel et bon, M. le président, mais en attendant, qu’est-ce que je fais ?
-    Eh bien Jacques, je vais vous faire une promesse : si je suis élu, je m’engage à venir moi-même, sous quinzaine,  je dis bien sous quinzaine, vous donner un coup de main et croyez-moi, ce serait bien le diable si à deux, nous ne parvenons pas à mettre fin à ces fuites.
-    Merci, M. Le président.
-    De rien, Jacques.
-    M. Le président, maintenant, c’est Didier, écrivain en bâtiment dans l’Eure, qui voudrait vous poser une  question sur…

Cette conversation n’a pas eu lieu (ce qui est bien dommage, car je n’ai toujours pas de solution à ma fuite).  L’idée m’en est venue en regardant hier soir le président Sarkozy répondre aux « questions des Français ».  Une chose m’a frappé : on demande au président ou au candidat à la présidence de répondre si possible de manière satisfaisante à des questions portant sur toutes sortes  de domaines. Si par extraordinaire, l’interrogé se déclarait incompétent sur la matière, il serait jugé indigne du poste qu’il brigue. On exige en gros qu’il soit une sorte d’homme orchestre omniscient. Ensuite, on reproche au président de se mêler de tout.

C’est le problème de la dérive démagogique. On imagine mal des Français poser leurs questions au Général De Gaulle sur un ton plutôt familier.  La France, les Français, les médias ont changé. Aujourd’hui, il faut donner la parole au « peuple », lui donner l’impression qu’il compte.

Le président, plus que tout autre, se doit d’être à son écoute, de partager la moindre de ses inquiétudes. Et on a le brave culot d’exiger de lui qu’il fasse preuve de hauteur de vue. Il faudrait choisir, non ?

lundi 12 mars 2012

Ses ailes de géant l'aident à marcher.



M. Hollande, en plus d’être beau garçon, est un grand homme. Son idée de supprimer le mot « race » de la constitution est tout simplement géniale. Comme beaucoup de mes concitoyens il m’arrivait de me réveiller au cœur de la nuit, tremblant et couvert de sueur, ravagé par cette interrogation : « Mais que fait donc le mot « race » dans notre jolie constitution ? »

Ça me taraudait. Et puis un titan s’est dressé. Voici ce qu’il a dit : "Il n'y a pas de place dans la République pour la race. Et c'est pourquoi je demanderai au lendemain de la présidentielle au Parlement de supprimer le mot race de notre Constitution".

« Il n’y a pas de place dans la république pour la race » ! Je me répète sans cesse cette courte phrase qui bannit le terme abject.  Sommes-nous pour autant tous semblables ? Bien sûr que non ! La lumière de la Corrèze s’est empressé d’ajouter que "La République ne craint pas la diversité parce que la diversité c'est le mouvement, c'est la vie. Diversité des parcours, des origines, des couleurs mais pas diversité des races" et aussi s’adressant à la foule : "Vous êtes le peuple qui aspire au changement, et pas pour demain. Ce peuple a toutes les couleurs, car la France que nous aimons a toutes les couleurs. Vous incarnez ce que notre pays a de plus précieux: sa diversité et cette diversité, c'est notre identité".

Résumons-nous :

Il n’y a pas de races. Juste des parcours, des origines et des couleurs. Ceux qui  n’aimeraient pas vraiment la diversité pourraient donc se voir taxer de « parcourisme »,  d’« originisme » voire parfois de « colorisme ».

Notre identité, c’est la diversité. Comme c’est beau ! Cependant, le futur rédempteur  de la France flirte dangereusement avec l’oxymore : le terme identité provient du bas latin identitas dérivé d’idem  qui signifie « le même ». Quant à la « diversité » c’est le caractère de ce qui est divers c'est-à-dire qui présente plusieurs aspects, plusieurs caractères différents ou des différences intrinsèques et qualitatives. Selon Robert (le Petit). Ainsi, traduit en langage courant ce qui nous rend identiques ou au moins fait  que nous nous ressemblons c’est nos différences. Il fallait l’oser !

Toutefois, je trouve le géant de l’esprit un peu timide : pourquoi ne s’engage-t-il pas à bannir également de la constitution des mots tels que « Reblochon » ou « scoubidou » qui n’ont visiblement rien à y faire ? Vous me direz qu’ils n’y figurent pas. Et alors, le propre du véritable homme d’état n’est-il pas d’anticiper les problèmes ? La publication, au lendemain de l’élection présidentielle,  d’une liste exhaustive des termes qui n’ont pas leur place dans la constitution me semble donc hautement souhaitable. Le problème serait qu’on ne pourrait pas inscrire cette liste dans la constitution pour cause de paradoxe.

Comme quoi la vie n’est pas toujours aussi simple et limpide que la pensée de M. Hollande.

dimanche 11 mars 2012

6 mois déjà !



L e 11 septembre 2011, sur les conseils de Nicolas Jégou que mes interventions chez lui lassaient au point de lui faire quitter l’urbanité qui sied à qui milite pour une société plus tolérante, je créais ce blog. Six mois ont passé durant lesquels plus de 49 000 pages ont été visitées. Pour des raisons bonnes ou mauvaises.

Commençons par les bonnes. Quelques infâmes  canailles,  ennemis de l’humanité en général ,  du peuple en particulier et au sein de ce peuple plus spécifiquement de ceux qui en font la richesse m’ont fait l’amitié d’inscrire mon blog parmi leurs favoris m’amenant  dès le début de nombreuses visites. Parmi ces racailles dont les propos nauséabonds nous ramènent avec une régularité quasi-métronomique aux heures les plus sombres de notre histoire, je citerai les principaux : Didier Goux, qui demeure, en dépit de sa récente défection, ma principale source de trafic, le suivent dans l’ordre  un certain Plouc, Aristide, Corto, un amiral, DixieYgor mais aussi d’autres que je prie de m’excuser de ne pouvoir citer, le compteur de Blogger les reléguant après la dixième place.  Entre ces fripouilles viennent s’intercaler à la deuxième place M. Google, M. Facebook à la quatrième mais aussi des sites aussi  respectables que ceux de Suzanne et de Nicolas en 9e et 10e position.

Ainsi s’est créé un réseau de visiteurs dont l’assiduité me surprend parfois. Un visiteur suisse a, d’après Statcounter, à ce jour, visité plus de 700 pages,  plusieurs  autres dépassent les 300 visites. Un noyau de commentateurs s’est également formé, certains avec une régularité exemplaire, d’autres plus épisodiques.  Tout ça est bien encourageant.

A côté de cela (mais peut-on l’éviter ?) M. Google m’apporte des visiteurs plus avides d’images de choux, de vieux, de pipes, de chanteurs ou de mort. Sans parler des mots-clés de recherche plus originaux et conséquemment  plus rares comme « femmes nues sur un vélo »  ou «pascal clark est une salope »  sans qu’il me semble avoir consacré un quelconque billet à ce  fascinant sujet ni avoir formulé cette phrase…

Ces derniers temps, le bricolage et des pannes d’Internet m’ont parfois empêché de livrer un billet quotidien. Mes travaux touchent (enfin, presque) à leur fin mais la saison du jardinage s’annonce.  Parviendrai-je à maintenir un rythme soutenu ?  Nous verrons.

Quoi qu’il en soit, Je tiens à dire un grand merci à tous ceux qui en le recommandant ou en le lisant on assuré le succès de ce blog et m’ont encouragé à continuer de produire de petits textes qui sans changer fondamentalement le monde ont au moins le mérite de me distraire et d’en distraire quelques autres.

samedi 10 mars 2012

Vialatte, encore.



Après quelques centaines de «  Chroniques de la Montagne » d’Alexandre Vialatte, mon intérêt ne s’émousse pas. Ces petits textes  d’une drôlerie absurde, où la réflexion  profonde est bientôt désamorcée par une notation incongrue quand ce n’est pas le contraire constituent une lecture légère dont il ne reste rien sinon du plaisir et l’envie d’en lire de nouveaux.

Une chose me tarabuste cependant.  Ces chroniques sont parues sans discontinuer pendant près de vingt ans à raison d’une par semaine dans le quotidien « La Montagne » de Clermont-Ferrand. De cette ville de lave qu’aucun débarbouillage n’empêchera jamais de rappeler les lugubres façades noires du Paris de  mon enfance, je ne connais pas grand-chose. J’y ai passé quelques jours, il y a une dizaine d’années. Ne m’en reste que la conviction que,  pour bien faire,  une cathédrale se doit d’être en pierre blanche ou à la rigueur en granite. Oui, je sais, Albi, Toulouse, etc. Mais que voulez-vous, je suis du Nord-Ouest…

Clermont-Ferrand, donc. La Montagne, quotidien régional. Les années-50-60, glorieuses certes, mais joyeuses non. Et c’est là ce qui me chiffonne : qu’est-ce qui pouvait bien pousser les lecteurs auvergnats ou limousins à lire la prose un rien déconcertante du grand Alexandre ?  Étaient-ils tous de fins lettrés amateurs d’humour absurde ?  L’appréciaient-ils vraiment ? La lisaient-ils seulement ?  J’imagine la perplexité du bon paysan du fin fond de son Cantal en apprenant que Kant et Nietzsche  sont des zouaves. Surtout que ces deux zouaves risquaient fort à l’époque comme maintenant de n’évoquer que peu de choses pour le bon peuple rural, même en Corrèze… Ces chroniques ne visaient-elles qu’une frange marginale du lectorat ?

Et si elles ne visaient personne ?  Peut-être qu’en ces temps austères un journal ignorait le marketing et qu’il pensait de son devoir de laisser place dans ses colonnes à un écrivain régional de talent ? Nous aurions bien régressé, me semble-t-il…

Quoi qu’il en soit, merci à la Montagne sans laquelle ces chroniques n’auraient pas existé. Merci  également à Philippe Meyer, de France inter et France culture, de me les avoir faites découvrir.  

jeudi 8 mars 2012

Monsieur G., employé modèle



J’ai connu M. G. alors qu’à 14 ans je travaillais pendant les vacances scolaires au siège d’une société de travaux publics à Paris. Adjudant de gendarmerie à la retraite, plutôt corpulent, cheveux en brosse, blouse grise, il était chargé de la distribution des fournitures de bureau, des photocopies et d’effectuer quelques courses en ville.

Et il le faisait avec zèle, conscience et sévérité. Selon lui, les employés n’avaient qu’un but : couler la société en gaspillant stylos, crayons, gommes et agrafes.  C’était simple : « Ici, il y en  a 80% à mettre en prison et le reste à surveiller ». Il ne précisait pas dans laquelle de ces catégories il se plaçait. Il luttait bec et ongles contre le coulage, exigeant des secrétaires qu’elles lui ramènent leur stylos billes vides avant de leur en donner de nouveaux.  A ses yeux, les jeunes femmes qui travaillaient au siège étaient d’une moralité contestable. Si une se plaignait d’une petite forme le lundi, une fois partie, il m’expliquait qu’elles passaient leurs week-ends à se souler au whisky et que pour le travail il n’y avait plus personne…

Dans un coin d’armoire, M. G. gardait les papiers d’emballage et  les bouts de ficelles récupérés sur les colis reçus  afin de les employer, une fois retournés,  pour les paquets qu’il expédiait.  Il fallait le voir guerroyer avec un chef de chantier d’autoroute venu de l’autre bout de la France au sujet d’une boite de crayons ou de stylos pour comprendre que si les deux mille employés de la boite se retrouvaient sur le carreau, ça ne serait pas de sa faute.

Seulement, tout Achille a son talon. Celui de M. G. était son respect absolu, quasi religieux des chefs. Ainsi, les divers directeurs avaient-ils  tous les droits. Ils pillaient sans remords ni justification les fournitures avec sa bénédiction.  Si l’envie leur prenait de lui faire photocopier la totalité d’une revue sans rapport avec le travail, celui qui chassait le gaspi au bazooka, s’exécutait sans rechigner. Ainsi, les fournitures sauvées  de haute lutte de la rapacité des employés disparaissaient-elles par cartons entiers  en vue d’assurer aux enfants des dirigeants (ainsi qu’à leurs camarades) une rentrée bien équipée.

Si M. G. économisait au sens propre les bouts de ficelle, M. P., PDG, n’en faisait rien : j’avais compté qu'avec sa famille il avait 9 voitures sur la société. Mais critique-t-on Dieu lui-même ? Il fallait voir le féroce G. contempler les yeux mouillants d’amour le Grand  Homme lorsqu’il lui faisait l’honneur d’une visite ! M. P., connaissant les hommes, ne manquait jamais de lui adresser chaque fois un petit compliment  qui le faisait rosir de plaisir et le réconciliait un temps avec l’humanité.  Une humanité, qui, à son niveau inférieur (les chefs, c’est tout autre chose), se composait de deux catégories : lui, qui travaillait « comme un romain » et les autres qui faisaient du « travail d’Arabe ».

A son retour de vacances, je lui demandai si ces dernières avaient été bonnes. Bonnes ?  Vacances ? Plaisantais-je ?  Il les avait passées à travailler comme un romain à l’aménagement de l’appartement de sa fille !  Des vraies vacances, ce serait d’aller en taxi d’hôtel en restaurant !  « Chauffeur, à ma botte !  Vous nous emmènerez avec Mme G. au « Homard Bleu » ! Exécution ! » . Seulement, il y a le rêve et la réalité.  Moins « rose »…

Certains me diront que j’ai fait ici le portrait d’un vieux con, misanthrope misogyne, raciste, mesquin, autoritaire, fort avec les faibles et faible avec les forts.  Peut-être, mais quelque part c’était un brave homme, très bon au fond. Simplement un homme avec les idées, les préjugés,  les comportements, de sa catégorie sociale et de son époque poussés à l’extrême. Une époque révolue.