Ce matin même, notre vénéré ministre de l’Éducation
Nationale, M. Peillon a honoré la RSC ™
de son enrichissante présence. Je l’ai écouté d’une oreille distraite car son
passage à l’antenne correspondait au moment où je m’efforce, en général avec
succès, de remplir une grille de mots
croisés. Curieusement, alors que pour
écrire ou lire, j’ai besoin de silence, je peux mener de front la chasse aux mots et l’audition de
discours plus ou moins sérieux.
Je ne vous infligerai pas un résumé fidèle des propos de notre cher ministre.
Comme tous ses collègues passés, il a annoncé toutes les mesures qui feraient que
cette rentrée serait bien meilleure que la précédente qui elle-même surpassait la précédente laquelle, comme toutes ses devancières depuis que rentrées il y a, avait été l’occasion
de progrès incontestables. Ce qui est curieux, c’est que malgré les
améliorations constantes d’un système déjà excellent les résultats semblent être
de pire en pire. Comment expliquer cela ?
Pour l’idolâtre de la Grande Révolution qui préside aux
destinées de notre système éducatif, la réponse est simple : C’est la
faute à Sarko. Argument solide, voire
incontestable. Sarko, c’est la seule et unique cause de la crise économique, de la montée
de la violence et de l’effondrement du
niveau scolaire. Ce qui est curieux, c’est que, sans avoir souffert sous le
joug de ce sinistre personnage, d’autres pays au niveau de développement comparable
connaissent, à des degrés plus ou moins aigus
les mêmes problèmes économiques, d’insécurité ou de montée de l’illettrisme.
Je suppose que les homologues étrangers,
faute de pouvoir blâmer Sarko, fustigent les politiques de leurs prédécesseurs.
Et si la réponse était ailleurs ?
J’aurais tendance à penser que le mal a d’autres causes et
qu’en fait une société a la police, la justice, les politiciens, l’école, la
médecine et toutes les institutions qu’elle
mérite. Plus que les réformettes de tel ou tel ministre, ce qui favorise le
délitement de toutes les institutions, c’est un climat général à la fois de
défiance et de revendication de droits.
Dans le cas précis de l’école, la compétence, l’autorité et
le jugement des maîtres est, de manière permanente, remise en cause par des
parents insoumis revendiquant haut et fort le droit à l’excellence et au
diplôme pour leurs petits surdoués. Car
tout bambin, toute bambine, même et surtout celui ou celle dont les performances sont faibles
voire inexistantes, est devenu un hyperactif, un précoce, dont les échecs ne
peuvent s’expliquer que par l’incompétence de l’enseignant et l’inadaptation du
système.
Nous souffrons, entre autres choses d’un déficit de
confiance et de soumission à l’autorité que viennent compléter une fugacité de
la concentration due au développement du zapping et le culte de l’enfant-roi dont les pires
âneries se voient érigées en inouïs exploits.
Or, un système, quel qu’il soit, ne peut fonctionner sans
une solide base de confiance. Si je confie mon enfant au système scolaire, il
est indispensable que je croie en la capacité de ce dernier à l’instruire. Si
Je vais consulter un praticien, il est nécessaire que je le juge compétent. Si je traîne mon voisin devant les tribunaux, il
faut bien que je considère que les juges sont de sages et honnêtes
personnes. Sinon, c’est l’anarchie :
je change mon enfant d’école pour le confier à un autre établissement qui s’avérera
bien vite aussi mauvais que le précédent ; je vais de médecin incapable en
praticien douteux afin d’obtenir un
deuxième, troisième, énième avis ; je fais appel de tout jugement qui me déplait.
Certes, me direz-vous, mais ne pourrait-on pas considérer que
les institutions, par leur inefficacité et leur inconsistance, sont à l’origine
de la défiance qu’elles suscitent ?
C’est indéniable : les institutions se composent d’hommes et de
femmes de leur temps, connaissant les mêmes défiances et doutes que ceux qui y
ont recours. Un juge qui rejette sur la société la réelle culpabilité du
justiciable, un enseignant qui pense que tous les enfants sont également doués
ont bien du mal à croire en l’institution qu’ils sont censés incarner.
Il me semble que tant qu’on n’aura pas restauré un minimum
de confiance, tant que la responsabilité individuelle ne se sera pas substituée
à la revendication individualiste, aucune réforme n’empêchera l’école ou toute
autre institution d’aller à vau-l’eau. Car même si aucune institution n’est à l’abri
d’erreurs parfois graves, leur constante remise en cause mène à de bien plus
graves désastres.