M. Blogspot ayant jugé bon de remplacer mes tirets de dialogues par des puces, je prie mes éventuels lecteurs d'excuser ce désagrément qu'un manque de patience m'a prévenu de corriger.
Le quadragénaire entra dans la
librairie J'aime l'ire *. Il
avait ce regard un rien désabusé de qui a essuyé bien des
typhons et fréquenté les bordels de Ouagadougou.
Ne voyant personne, de la prothèse
métallique qui remplaçait un bras perdu lors d'un adultère un peu
compliqué avec une naine malgache, il frappa le comptoir afin
d'attirer l'attention.
Une jeune personne apparut de derrière
les rayonnages et, l'ayant salué lui demanda si elle pouvait
l'aider.
- Eh bien mademoiselle, j'aimerais que vous me conseillassiez un bon roman. Quelque chose de couillu, si vous avez...
- Qu'entendez-vous au juste par là, s'enquit la brunette potelée qu'une coquetterie dans l’œil n'empêchait aucunement d'être appétissante comme un brugnon de Touraine (ou comme un plat de tripes à la mode de Caen, suivant les goûts) ?
- Disons pas un de ces livres qui ne visent qu'à déclencher les rires gras à coups de plaisanteries de garçon de bains comme la Recherche ou La Guerre et la paix, quelque chose de sérieux sans être austère...
- Mais encore ?
- Ben, un roman avec des personnages bien campés, dont les destins s'entrecroisent sans qu'une vache soit en mal d'y retrouver son veau comme chez Dos Passos. Où l'on moquerait à l'occasion les travers de notre époque sans tomber dans le prêchi-prêcha. Où seraient évoquées les difficultés de communication inter-générationnelles. Où l'amour adolescent croiserait la solitude de l'âge mûr et la pholie** pathétique d'un jeune homme en recherche floue...
- Certes, certes, mais dites m'en un peu plus : voudriez-vous de l'aventure, du sexe débridé ?
- Pourquoi pas, mais pour l'instant je recherche surtout un bon roman...
S'apercevant de l'ambiguïté de sa
question, Brigitte, car tel était son nom, précisa :
- Je voulais dire dans le livre...
- Ah oui, excusez ma bévue. Du sexe, il en faut bien un peu mais sans excès, on oscille entre la bête et l'ange, pas vrai ? Comme il faut quelques cuites héroïques, un service municipal de la clownerie et du bord de Loire. Très important, le bord de Loire, voyez Balzac. Si en plus pouvait venir se mêler aux personnages de fiction un écrivain célèbre bien déglingué dont serait peint un portrait croquignolesque, ce serait bien...
- Je crois que j'ai quelque chose susceptible de satisfaire vos attentes , dit l'avenante Brigitte.
- Je n'en doute pas, déclara l'homme en plongeant un regard ravivé dans son généreux décolleté.
S'étant dirigée vers le rayon des
romans français, Brigitte en revint avec à la main un volume couvert de rouge qu'elle posa sur le comptoir :
- Je viens d'en terminer la lecture : vous y trouverez ce que vous souhaitez et tout ça dans un style léger, élégant, sans être précieux.
- Le Chef-d'oeuvre de Michel Houllebecq ? J'en ai déjà lu, sur un excellent blog une magistrale critique mais elle ne concernait que l'objet-livre. Le ramage se rapporte-t-il au plumage ?
- Il le surpasse, il le surpasse ! Et de loin !
- Je le prends, tant votre votre jugement littéraire me paraît sûr, dit l'homme tout en découvrant les rondeurs fessières de Brigitte qui s'était un instant retournée pour décrocher un sac plastique de la liasse fixée au mur, avant de rajouter :
- Tant que j'y pense : Appréciez-vous le troc ?
- Le troc ?
- Oui. Si vous le vouliez, je vous montrerai comme on danse en Afrique en échange de vos impressions de lecture...
- Je termine à dix-neuf heures répondit une Brigitte toujours avide de parfaire ses connaissances exotiques et de parler bouquins.
*Jeu de mot dû à Algide Dubreuil,
fondateur dans les années trente du siècle dernier de la librairie,
qui voulut ainsi combiner les allusion à son caractère irascible,
et à sa passion du livre et des mots croisés.
** Moi aussi je réforme !