L'être humain aime à s'éprendre de
causes, en général nobles. Le problème est que, parfois, il se
trompe et que son choix s'avère moins judicieux qu'il ne pensait.
Nous n'en donnerons pas d'exemple, vous laissant faire votre choix
parmi les myriades de causes qui au fil de l'histoire se sont
montrées décevantes. Toutefois, il faut bien reconnaître que sans
cause à défendre une vie est bien morne. Il est donc primordial de
s'en trouver une, de préférence indiscutable.
Après de longues années de
réflexions, de tergiversations, et, reconnaissons-le, d'erreurs j'ai
trouvé la mienne : je vais désormais militer en faveur de la
Semaine du Poisson Rouge.
Pas plus tard qu'hier, nous célébrions,
avec toute la ferveur due, la Journée des Droits des Femmes. Mais
pour une journée aussi insigne, combien de journées dédiées à
telle ou telle catégorie passent totalement inaperçues ? Qui
entre vous, sans consulter Google, pourrait m'indiquer quand tombe
celle des Vieillards Libidineux ou des Agriculteurs Surendettés ?
Bien peu, j'en ai peur ! Et cela pour une simple raison :
une journée, quel que soit l'intérêt du sujet auquel on la
consacre ne compte que vingt-quatre heures dont la plupart sont
consacrées à des activités qui nous détournent de son thème
(Travail, transports, libations, repas, sommeil, etc.).
Si on veut
marquer le coup, c'est une semaine dont on a besoin. J'entends déjà
des protestations s'élever : vous divisez les causes par sept !
Combien de causes justes et tout à fait honorables vont passer à la
trappe ? En effet, j'élague. Mais y a-t-il vraiment tant de
causes qui méritent autant une journée que le poisson rouge sa
semaine ?
Les vertus du poisson rouge sont
nombreuses : jamais un mot plus haut que l'autre ; vous
verrait-il accomplir quelque crime, vous pouvez compter sur lui pour
demeurer muet comme une tombe face aux questions de la police ;
vous pouvez l'amener partout : rares sont les musées, monuments
ou magasins qui bannissent son entrée ; de mémoire d'homme on
n'a jamais vu un poisson rouge attaquer un enfant ou un facteur et
leur infliger de graves voire mortelles blessures ; il se
nourrit d'un rien ; ses déjections sont discrètes ; à la
différence du chat, du chien, de l'oiseau ou du rhinocéros, il vit
très bien dans un bocal et sait s'en contenter ; il est d'une
compagnie agréable car il distrait sans envahir ; il apporte
une agréable touche de couleur dans tous les intérieurs ; la
seule tristesse qu'il nous inflige, c'est sa disparition qu'il fait
discrète ; bref la liste de ses qualités est infinie.
Qu'obtient cet enchanteur de nos vies
en retour ? Peu de choses. Ce ne sont pas des photos de ses
petits (pourtant mignons) que l'on voit par millions sur Facebook,
Qui chante sa noblesse, son dévouement, sa parfaite discrétion, sa
bonté, sa propreté, son pacifisme, sa frugalité et ses
innombrables vertus ? Personne ! Il est temps que cela
cesse ! Une semaine par an ne saura jamais compenser des siècles
d'indifférence mais constituera un premier pas dans la bonne
direction.
D'abord il serait indispensable que
cette semaine soit déclarée fériée afin que tous puissent
participer. Maintenant, en quoi les manifestations qui l'animeraient
pourraient-elles au juste consister ? J'avoue, n'étant pas
moi-même grand amateur de rassemblements festifs, mon incapacité à
les définir. Je recommanderais cependant que des ballons illustrés
de poissons soit lâchés, qu'on allume des bougies, qu'on organise
des nages orange (la marche étant inappropriée) qu'on élise une
Miss Poiscaille (obligatoirement rousse) mais tout cela est bien
banal et je ne ne doute pas un instant que les cerveaux imaginatifs
de nos élites sauront trouver bien d'autres idées propres à rendre
mémorables ces sept jours de liesse et à pousser chacun de nous à
faire poisson rouge .
L'idée est lancée. Reste à la voir
se concrétiser. En cette période électorale, nul doute qu'elle
sera reprise par les candidats épris de justice, ce qu'ils sont
tous.
Vive le Poisson Rouge ! Vive la
France !